Le juge judiciaire peut ordonner, sous conditions, la démolition d’une construction illégalement édifiée même en présence d’un permis tacite
Lettre n° 280 du 14 novembre 2019
Dans une affaire, deux frères ont obtenu, chacun, un permis de construire : l’un, pour une villa d’une surface de 319 m², de 7 m de haut dont la moitié seulement au-dessus du terrain naturel sur les parcelles ; l’autre, pour une villa de même surface, de 7 m de hauteur dont la moitié seulement au-dessus du terrain naturel sur les parcelles et à la même adresse.
La Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a constaté des irrégularités sur les constructions et le directeur du service de l’urbanisme d’Ajaccio les a invités à demander un permis de construire modificatif. Toutefois, les murs extérieurs, le gros œuvre, l’étanchéité de la toiture d’une construction et les sous-sols et le premier niveau de l’autre maison étaient déjà réalisés.
Un agent de la DDTM a dressé un procès-verbal relevant, pour une maison, la création d’ouverture non prévue, la transformation en habitation d’une partie du garage, une surface de plancher supplémentaire créée d’environ 230 m², le non-respect de la coupe du terrain, une modification de l’emprise de la construction par ailleurs en partie implantée sur une parcelle appartenant à la ville d’Ajaccio. Il a constaté, pour l’autre maison, la création d’un niveau supplémentaire, une surface de plancher supplémentaire d’environ 200 m², le non-respect de la coupe du terrain, une modification de l’emprise de la construction qui est désormais en partie implantée sur une parcelle appartenant à la ville.
La Cour de Cassation valide le raisonnement de la cour d’appel condamnant les particuliers à remettre en état la parcelle, c’est-à-dire détruire ces constructions situées dans un site inscrit. Elle ajoute qu’elles ne sont ni régularisables ni susceptibles de demeurer en l’état (Crim., 24/09/2019, n° 18-86164).
Observation : lorsqu’une construction a été édifiée en méconnaissance d’un permis de construire, la délivrance ultérieure d’un permis de construire modificatif tacite, même si elle ne fait pas disparaître l’infraction constatée, fait obstacle à une mesure de démolition ou de remise en état des lieux conformément au permis de construire initial, tant que le permis de construire modificatif tacite n’a pas été annulé.
Toutefois, dans cette affaire, la Cour considère que le permis tacite ne pouvait pas exonérer les pétitionnaires d’une destruction car le procès-verbal a été dressé en connaissance de la demande de permis modificatif. De plus, pour l’instruction du permis, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) avait été sollicité mais l’ampleur des modifications nécessitait une demande pure et simple de nouveau permis.
Gaël Gasnet